Sodome et Gomorrhe (Genèse 18 et 19)
Le Seigneur envoie ses anges pour constater le grand péché de la ville de Sodome et détruire cette ville. Depuis l’empereur Justinien en 543, ce passage est utilisé pour condamner l’homosexualité, mais il n’est pas évident que ce soit l’objet de ce texte.
Après avoir quitté Abraham qui leur a donné l’hospitalité aux chênes de Mamré, les messagers du Seigneur vont à Sodome pour vérifier le grand péché de cette ville. Abraham a négocié avec lui pour qu’il ne détruise pas la ville s’il trouve ne serait-ce que dix justes dans la ville. Mais voilà qu’à la nuit tombée, toute la ville de Sodome, les hommes, les femmes et même les enfants, entoure la maison de Loth, le gendre d’Abraham, où ces anges avaient trouvé refuge. « Ils appelèrent Loth et lui dirent : “Où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous pour que nous les connaissions.” » (traduction de la TOB)
Connaître ou méconnaître
La TOB traduit par connaître la demande que font les habitants de Sodome au sujet des deux étrangers qui séjournent chez lui. Ce terme, yada’ en hébreu, est souvent associé, en tant que métaphore, aux relations sexuelles. C’est dans ce sens que de nombreuses traductions contemporaines comprennent cette expression : « Fais-les sortir, nous voulons coucher avec eux. » (Parole de Vie) ou « Fais-les sortir. Nous voulons prendre notre plaisir avec eux. » (Français courant), par exemple. Le péché des habitants de Sodome est donc bien celui des sodomites, celui de l’hétérosexualité.
Mais, si yada’ est bien employé pour désigner des relations hétérosexuelles, il ne désigne jamais relations homosexuelles, où c’est le terme de sakan (coucher avec) qui est utilisé. Dès lors, que demandent les habitants de la ville à Loth, lui-même étranger, arrivé en ville de fraîche date ? Serait-ce naïf de penser qu’ils cherchent effectivement à faire connaissance avec ces deux étrangers qu’on leur a signalé en ville qu’ils cherchent à savoir qui ils sont – même si tout cela est dit dans un climat de grande tension et de grande violence, prête à éclater, comme la suite du récit le démontre ?
Le péché d’inhospitalité
Ézéchiel, l’un des plus anciens commentateurs de ce passage, écrit : « Voici quelles furent leurs fautes : elles ont vécu dans l’orgueil, le rassasiement et une tranquille insouciance ; elles n’ont pas secouru les pauvres et les défavorisés. Elles sont devenues hautaines et ont commis des actes qui me sont insupportables. Alors je les ai fait disparaître de la terre, comme tu le sais. » (Ézéchiel 16.49-50) C’est donc leur inhospitalité et leur orgueil qui seraient au cœur de l’ire divine.
Il y a un terrain de sport pas très loin de la fenêtre de mon bureau, et je dois bien admettre qu’il y a souvent des noms peu accueillants qui fusent entre les joueurs d’équipes rivales, pris dans le feu du jeu et la tension des enjeux qu’ils ressentent… Combien de ces noms cherchent à dévaloriser l’adversaire par des allusions à caractère sexuel, et combien plus encore par des insultes visant une supposée homosexualité ! Le manque de savoir-vivre et le manque d’hospitalité n’ont guère changé de registre depuis la foule hargneuse à la porte de Loth et de sa famille…