Luther et les Juifs
Luther est un homme qui a marqué son temps par la nouveauté de ses idées, mais sur certains sujets, comme celui de la relation avec le judaïsme, il reste aussi marqué par la société à laquelle il appartenait.
La société du Moyen Âge est une société de chrétienté exclusive, qui pourchasse l’hérésie. L’Église enseigne depuis les premiers siècles de son existence que les Juifs falsifient les Écritures, qu’ils méprisent le Christ et qu’ils sont les premiers responsables de sa mort.
Bienveillance à l’égard des Juifs
Le jeune Luther découvre la richesse de la culture hébraïque. Il s’initie à la langue hébraïque et à sa grammaire avec un ancien rabbin converti, ce qui lui permet plus tard de traduire la partie juive de la Bible. Luther fait preuve d’une certaine compréhension à l’égard des Juifs. Il souligne que leur présomption à croire que le salut s’obtient par l’obéissance à des commandements est partagée par de nombreux chrétiens. Il s’inscrit en faux contre l’accusation de déicide. Pour lui ce sont les péchés de l’humanité tout entière qui ont provoqué la mort de l’envoyé de Dieu. Luther est animé par l’espoir que la nouvelle manière de comprendre l’Évangile qu’il propose va pouvoir attirer de nombreux Juifs vers la conversion à la foi chrétienne.
Le ton se durcit
1530 marque un tournant dans l’attitude de Luther à l’égard des Juifs. Il constate qu’ils ne se tournent pas vers la foi chrétienne, mais qu’ils font même œuvre de prosélytisme pour attirer à eux des chrétiens. Luther se fait un devoir de défendre les fondamentaux de la foi réformée. La justification par la foi n’est pas compatible avec l’autojustification par les œuvres que prône le judaïsme. Les Juifs ne doivent pas non plus croire qu’ils sont sauvés parce qu’ils sont le peuple élu de Dieu. La théologie de Luther est centrée sur le Christ et sur son œuvre expiatoire. Il ne peut supporter que le judaïsme se moque de Jésus, le présente comme un bâtard ou un magicien. Luther estime que les Juifs blasphèment le Seigneur et son œuvre à travers tout leur enseignement et leurs rituels. Il prône des mesures extrêmes : mettre le feu aux synagogues, détruire les écoles et les maisons, confisquer les écrits talmudiques, interdire aux rabbins d’enseigner, interdire le prêt à usure, obliger tous les Juifs à travailler de leurs mains et si possible les expulser du pays. Luther imagine que la meilleure place pour les Juifs, c’est en Palestine.
Luther antisémite ?
Le propos de Luther est souvent outrancier et grossier à l’égard des Juifs, mais il en est de même à l’égard des chefs de l’Église catholique. Par contre, jamais Luther n’accrédite l’idée d’une inégalité des races humaines : « Il n’y a aucune différence concernant la chair et le sang, comme nous le dit la raison (…), car nous partageons la même origine, une même chair et un même sang. » Sa seule crainte semble de nature religieuse : une judaïsation de la société chrétienne.