Luther et la Bible
La fin du Moyen Âge est marquée par la crainte du Jugement dernier. Luther ressent cette peur avec une grande intensité. Cependant sa lecture de la Bible va lui ouvrir un nouveau chemin
Conscients de ses capacités intellectuelles, ses supérieurs lui ont confié l’enseignement des Écritures. Il passe donc beaucoup de temps à étudier les textes. Un jour entre 1513 et 1518, ce verset retient son attention : « Le juste vivra par la foi » (épître aux Romains 1.17). Son salut ne dépend pas de lui : cette révélation le libère. Dans une lettre du 31 mars 1518, il confie à son confesseur Staupitz : « J’enseigne maintenant que les hommes doivent mettre leur confiance uniquement en Jésus-Christ, et non dans leurs prières, leurs mérites ou leurs bonnes œuvres. »
Justifier par sa foi
Une trentaine d’années plus tard, il gardera le souvenir de cette expérience fondatrice : « Pendant que je méditais, nuit et jour, et que j’examinais l’enchaînement de ces mots : “La justice de Dieu est révélée dans l’Évangile, comme il est écrit : ‘le juste vivra par la foi’‘ je commençais à comprendre que la justice de Dieu signifie ici la justice que Dieu donne et par laquelle le juste vit, s’il a la foi ».
Il ne faudrait pas voir dans le sola scriptura (par l’écriture seule) l’unique principe de la Réforme luthérienne : il n’est ni le seul, ni même le premier. On ne peut le dissocier de deux autres : le sola gratia (par la grâce seule) et le sola fide (par la foi seule). Et s’il fallait n’en privilégier qu’un, il serait plus juste de retenir le sola gratia, que Luther prend comme clef herméneutique, c’est-à-dire comme la clef qui permet d’interpréter toute l’Écriture. Ainsi, Luther ne met pas tous les textes bibliques sur le même plan, car certains parlent plus directement du Christ, cette parole de Dieu adressée à l’humanité.
La Bible pour tous
Au même titre que les sacrements, la prédication offre au croyant cette parole de vie qui lui permet de ne pas rester enfermé sur lui-même. C’est le salut extra nos, un salut qui vient d’un Autre : de Dieu.
Mais Luther comprend qu’il ne pourra réformer l’Église que si la Bible est lue par l’ensemble du peuple chrétien. À l’époque, les populations de l’espace germanique parlent divers dialectes. Lorsqu’en 1521 il est mis en sécurité par Frédéric le sage dans le château de la Wartburg, il s’attelle à la traduction du Nouveau Testament en forgeant une langue pouvant être comprise par tous. Il considère comment parlent la mère de famille, les enfants dans les rues, l’homme du commun sur les marchés et en utilisant leurs mots pour qu’ils comprennent et voient que l’on parle allemand avec eux (Lettre sur l’art de traduire).
Le Nouveau Testament est traduit en dix mois et publié en 1522. Douze ans plus tard, en 1534, Luther arrive à bout de l’Ancien Testament. Grâce à l’imprimerie, la Bible complète est désormais à la disposition du plus grand nombre. Par la beauté et la vigueur de ses images, ce monument de la littérature a facilité l’unification de la langue allemande.