Éthiopie-Tigré

Vers une escalade régionale ?

08 janvier 2021

Le Prix Nobel de la paix 2019, Abiy Ahmed, a lancé les troupes armées fédérales éthiopiennes contre la province du Tigré. Un conflit qui risque de déstabiliser la région tout entière.

Le 4 novembre, dans un discours aux accents martiaux, celui qui avait reçu le Prix Nobel de la paix un an plus tôt lançait les troupes fédérales éthiopiennes contre la région du Tigré, à l’extrême nord du pays, et contre le Front de libération du peuple tigréen (FLPT) au pouvoir localement.

 

Deux visions du fédéralisme

Le Tigré est l’une des neuf provinces qui composent l’État fédéral depuis 1995. La raison du déploiement armé ? « La défense de la loi de l’État », selon Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien. Des actions récentes de dirigeants tigréens ont en effet été perçues comme menaçant l’État de droit national. Des élections générales avaient été prévues, fin août, mais elles ont été reportées à 2021 en raison du Covid-19. Un affront pour les dirigeants du FLPT, qui espéraient voir quitter le pouvoir celui qui y est parvenu en avril 2018, dont le mandat était censé prendre fin en octobre, et qui a évincé les Tigréens de nombreux postes de responsabilité. En dépit du report promulgué, les autorités du Tigré ont maintenu les élections régionales. Des accrochages autour de bases militaires des forces fédérales auraient également été à l’origine du déclenchement des hostilités.

Un village dans le massif du Gheralta, région du Tigré, Éthiopie (© Bernard Gagnon/CC)

 

Un acteur régional clé

Abiy Ahmed refuse toute médiation. Les réfugiés au Soudan se comptent par dizaines de milliers et les déplacés à l’intérieur du Tigré par centaines de milliers. Alors que l’Éthiopie est l’une des principales forces de maintien de la paix sur le continent, elle avait déjà commencé fin novembre à retirer ses troupes au sein des Casques bleus en Somalie voisine. Interrogé sur le prix qui lui avait été remis en 2019, Alex de Waal, l’un des membres du comité Nobel, a déclaré : « Il nous avait donné l’impression d’être une personne humble, sans intérêt autre que celui de l’État éthiopien et du peuple éthiopien. […] Je réalise maintenant que c’était une stratégie de sa part pour gagner du temps et plus de pouvoir pour conduire sa politique. »

[le 28 novembre 2020]

Gérald Machabert
journal Réveil

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