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Culte sous les châtaigniers

Musée du Vivarais protestant : l'histoire huguennote à l'épreuve

29 octobre 2024

Retour sur la journée du Musée du Vivarais protestant qui éclaira de manière salutaire notre lecture de l’histoire et des effets de la guerre, notre attachement au calvinisme, nos engagements politiques de chrétiens et nos pseudo-justifications bibliques.

« Bien aimé peuple de Dieu ! » C’est avec ces mots que le pasteur Kinouani Mizingou a accueilli, à Pranles, une assemblée nombreuse réunie « sous les châtaigniers », à deux pas de la maison Pierre et Marie Durand. Un « culte au désert » ardéchois dans le contexte très particulier du premier tour des élections parlementaires surprises. « Pour ceux du dehors, tout est donné en parabole ; pour nous le mystère a été révélé ! » a développé le prédicateur, sans jamais faire allusion à l’actualité politique brûlante qui divisait jusqu’à l’Église. Était-ce une clef de lecture pour la conférence donnée ensuite par Gilles Teulié : mieux comprendre l’engrenage du système d’apartheid et son insoutenable justification religieuse.

L’animation pour enfants et le concert de l’après-midi furent une réussite. Ceux qui ne connaissaient pas Ameline Pfister ont pu découvrir son talent musical et son énergie pour entraîner les chœurs gospel de centre Ardèche et bords de Rhône qu’elle avait rassemblé. Impossible de ne pas se laisser séduire par les voix, le mouvement des corps, la couleur des robes, le rythme des percussions, de ce concert/spectacle porté par la philosophie « Ubuntu ».

 

Michel Mazet et Gilles Teulié,
conférencier du jour
© DR

De l’homo calvinus à l’Ubuntu

Le professeur de civilisation britannique et du Commonwealth à l’université Aix-Marseille nous a ouvert, l’après-midi, une page douloureuse de l’histoire protestante réformée. Comment des chrétiens européens, descendants de huguenots français pour certains, ont-ils pu soutenir l’apartheid ? Comment un tel système a-t-il pu conditionner la vie d’un peuple durant tant d’années, alors même que s’imposait ailleurs le processus de décolonisation ? Comment l’Église réformée néerlandaise d’Afrique du Sud a-t-elle pu suivre la politique gouvernementale et justifier bibliquement et théologiquement cette vision ?

De manière plaisante et bien documentée, le conférencier nous a rapidement présenté la longue et mouvementée histoire des Boers ainsi que les racines religieuses de l’Apartheid, matière qu’il a développées dans l’ouvrage « La Bible à l’épreuve de la haine. Protestantisme et ségrégation raciale en Afrique du Sud, XVIIe-XXe siècle » (Labor et Fides). Impossible de restituer ici les deux guerres anglo-Boers, les luttes confessionnelles ou les argumentations religieuses, les figures marquantes d’Abraham Kuyper, Paul Kruger et Francis Malan, le parallèle si fréquemment invoqué avec l’histoire douloureuse du peuple juif et sa vocation divine.

 

Du grand trek à l’exodus

Sur ce point, je n’ai pu m’empêcher de prolonger le parallèle, avec en tête la situation actuelle au Proche-Orient, succombant peut-être moi-même au même aveuglement que les Afrikaners. Pourtant… considérez leur grand trek vers la nouvelle terre promise, la spoliation de leur richesse (aurifère), leur parcage mortifère en camp de reconcentration (sic !), la sollicitude consécutive des pays européens, leur goût du travail et leur volonté de bâtir, l’engrenage ensuite vers la ségrégation, la fuite enfin dans la violence mortifère…

Le professeur Teulier tenait à nous montrer combien notre propre lecture de la Bible doit être prudente et critique, comment nos choix théologiques sont bien souvent liés à nos prismes politiques et soumis à de fortes logiques sociohistoriques. Relire notre propre histoire, en extraire les ressorts, y analyser les mécanismes, est une démarche courageuse, utile, nécessaire. Qui plus est en ces temps !

Joël Geiser
Pasteur à Vienne – comité de rédaction de Réveil

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