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Femmes protestantes (12)

Les pionnières du ministère féminin

22 février 2019

En terminant cette série de femmes remarquables, il faut mettre l’accent sur la principale acquisition féminine au cours du XXe siècle : accéder pleinement au ministère pastoral. Ce ne fut ni rapide ni facile… Nous ne parlerons que de notre pays, mais bien entendu une évolution analogue s’est produite dans presque toutes les Églises protestantes.

Pendant les deux guerres mondiales, en l’absence durable ou après la mort de beaucoup d’hommes jeunes, les femmes ont partout montré qu’elles pouvaient faire face. Dès 1916, une ou deux femmes, avec des délégations pastorales, ont remplacé en paroisse leur mari pasteur.

 

Les reconnaissances officielles viennent plus tard dans deux Églises différentes presque en même temps. En décembre 1929, Madeleine Blocher-Saillans (1881-1971) – fille, épouse, mère, puis grand-mère, de pasteurs et théologiens – qui avait collaboré avec son mari dans leur paroisse baptiste parisienne, est reconnue officiellement dans cette paroisse, peu après la mort de celui-ci. Elle y sert jusqu’en 1952. Elle a écrit plusieurs livres.

 

Parmi les premières femmes

Au début des années 1920, à Strasbourg, quatre jeunes filles avaient été autorisées à faire des études de théologie. La première qui, dûment diplômée, sera pasteure est Berthe Bertsch (1904-1988), fille de pasteur, consacrée à 26 ans, dans l’Église réformée d’Alsace et Lorraine (ERAL) en 1930, à Mulhouse. S’engageant à rester célibataire, elle rompt ses fiançailles et est titularisée en 1938. Ce ministère fera l’objet de critiques, mais fut partout très apprécié.

Celle qui, pour l’Église réformée de France (ERF), est considérée comme la pionnière est Élisabeth Schmidt (1908-1971). Elle demande le baptême à 23 ans. Après des études de philosophie, elle fait à Genève des études de théologie. Diplômée en 1935, elle est, en 1936, assistante de paroisse dans les Cévennes. Elle collabore avec la Cimade au camp de Gurs, en 1941. Puis elle dessert la paroisse de Sète. Son conseil prebytéral l’apprécie et demande une reconnaissance officielle. Elle-même saisit plusieurs fois les synodes de l’ERF pour que le ministère féminin soit admis. En 1949, elle sera enfin consacrée, mais à titre exceptionnel, avec des réserves. Pendant la guerre d’Algérie, elle sera plusieurs années pasteure à Blida et y restera comme professeure un an après l’indépendance. Elle finit sa carrière à Nancy où elle écrit plusieurs livres. Une femme courageuse, militante d’une cause qu’elle sut illustrer.

Deux pasteurs ou deux pasteures ? (© Robert Coudurier)

 

Le temps de la reconnaissance

C’est donc seulement en 1949 que l’ERF décide de reconnaître les femmes comme pasteures à part entière non sans quelques clauses particulières. Il faut encore attendre 1965 pour que le synode national lève toutes les restrictions (célibat). Assez vite les étudiantes sont en nombre dans les facultés de théologie. Mais le ministère ne devient pas majoritairement féminin. En 2010, environ 30 % dans le corps de l’ERF, moins pour toute la Fédération protestante de France.

Il faut enfin nommer Thérèse Klipffel (1920-2006). Elle aussi, demande le baptême à plus de 20 ans, alors qu’elle est étudiante en sciences. Elle s’engage dans le scoutisme féminin et entreprend les études de théologie (Faculté de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand). Après la guerre, elle devient peu à peu, en Alsace, la responsable de l’enseignement religieux dans les écoles, de la formation pédagogique, crée un centre de documentation… Élue au Conseil synodal de l’Église réformée (ERAL), elle en est nommée présidente au synode de 1982 jusqu’en 1988. Elle est la première femme à présider une Église protestante en France. Elle fut chargée d’accueillir le pape Jean-Paul II à l’église St-Thomas, en octobre 1988. Chacun reconnaît en elle une femme consacrée, exerçant l’autorité avec sagesse, modestie et fermeté.

Marjolaine Chevallier
maître de conférence honoraire à la faculté de théologie protestante de Strasbourg

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