Cinéma

La Mission

11 mai 2021

un film de Paul Greengrass, sur Netflix, 2021

Paul Greengrass, réalisateur de la saga Jason Bourne, s’offre un grand écart avec ce western presque contemplatif qui a reçu quatre oscars. Tom Hanks, impeccable, y campe un capitaine de l’armée sudiste récemment défaite. Jeffrey Kidd va de ville en ville pour y lire les journaux aux populations du Sud. Il trouve par hasard une enfant d’origine allemande doublement orpheline, de ses parents tués par les Indiens, et de ceux-ci qui l’ont élevée. Il décide de la raccompagner chez son oncle, au Texas.

 

News of the world (titre original) emprunte au western contemporain un réalisme âpre, qui n’épargne ni les fermiers ni les « barons » locaux d’États sudistes amers et insoumis. Kidd et Johanna croisent la route d’êtres épuisés, dépourvus de tendresse et parfois d’humanité, détruits par l’alcool, le labeur, et plus encore la guerre. Pourtant, c’est bien dans la lignée d’un humanisme fidèle à John Ford que s’inscrit ce film. Traumatisé par la violence de ce qu’il a vécu, et par un deuil qu’il peine à surmonter, Kidd va trouver en Johanna une raison de vivre. Son éducation indienne, sa vivacité sauveront la mise (et la vie) plus d’une fois au capitaine. Si l’on peut parfois penser à True Grit des frères Coen, La Mission présente une dimension politique plus forte, qu’il s’agisse de l’appel à la réconciliation transmis plusieurs fois par Kidd dans ses lectures publiques, de la défense de la liberté de la presse, ou du questionnement sur la violence américaine.

 

On a peu souligné la dimension spirituelle qui imprègne le film. Kidd et son ami d’enfance débattent du deuil, malédiction divine ou au contraire épreuve à surmonter. Lors d’une discussion, Kidd et Johanna confrontent deux visions du monde et de la vie, celle des Indiens membres d’un « cercle » monde dont ils font partie, et celle des blancs qui tracent une ligne droite pour trouver une terre puis la cultiver en sillons rectilignes et parallèles. La caméra s’attarde sur des paysages superbes, immaculés, comme en écho au lien émouvant qui se tisse entre Johanna et Kidd et leur rend l’envie de vivre.

Philippe Arnaud

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