La fragilisation du lien
Antoine Rolland enseigne à l’Université. Il témoigne de la situation délicate dans laquelle les mesures sanitaires plongent les étudiants.
Le confinement et le fait que les cours aient lieu en ligne depuis octobre rendent cette année vraiment particulière. Au niveau formel, il est difficile pour tous, étudiants comme enseignants, de rester concentré toute une journée sur des cours en visio – et ceci en supposant que la connexion fonctionne… De même, il est plus difficile de se motiver pour travailler seul sur des exercices chez soi que lorsqu’on participe à un TD (travail dirigé) en groupe en classe.
L’importance de l’informel
Mais c’est au niveau informel que nous perdons le plus. L’arrêt des cours en présentiel est venu très tôt cette année par rapport à l’an dernier?: impossible pour les étudiants de se connaître entre eux et donc de construire un réseau d’aide et d’entraide. Impossible avec la visio à heure fixe de continuer une discussion informelle à la fin d’un cours avec un étudiant intéressé. Le passage par l’écran ne facilite pas la spontanéité des échanges, les regards interrogateurs demandeurs d’explications supplémentaires. Le confinement a aussi un grand impact social sur les étudiants?: pas de brassage, de découverte de nouvelles personnes, de nouvelles amitiés et donc de nouvelles façons de penser. Beaucoup sont retournés chez leurs parents et n’expérimentent pas l’apprentissage de l’autonomie (autonomie du quotidien, qui amène l’autonomie de pensée), d’autant plus que la fin des petits boulots (baby-sitting, extra dans des bars ou restaurant…) se traduit par un manque de revenus venant accentuer la précarité de certains étudiants.
Les limites de l’adaptation
De manière générale les enseignants s’adaptent et mettent en place un enseignement pensé pour être suivi à distance. Mais les annonces gouvernementales qui évoluent quasiment chaque semaine nous plongent dans le désarroi?: la mise en œuvre effective d’un emploi du temps est souvent très compliquée et ne peut être modifiée facilement pour faire revenir une partie des étudiants chaque jour par exemple. Nous sommes donc tiraillés entre le besoin de stabilité pour pouvoir organiser un enseignement de qualité à distance, et l’envie de profiter de toutes les opportunités pour revoir nos étudiants «?en vrai?»?!