Exclure l’Église orthodoxe de Russie ?
Le Conseil œcuménique des Églises (COE) a, depuis le premier jour de la guerre en Ukraine et même dans les mois précédents, travaillé et prié sincèrement pour une solution pacifique. Entretien avec le père prof. Ioan Sauca, secrétaire général par intérim du COE.
Beaucoup demandent au COE d’« expulser » le patriarcat de Moscou du COE pour ses récentes positions sur la guerre en Ukraine. Est-il possible que le COE prenne cette décision ? Quelles sont les raisons de ne pas la prendre ? Et quelles raisons conduiraient plutôt à une éventuelle exclusion de Moscou du COE ?
La décision de suspendre une Église membre de la communauté du COE ne relève pas de l’autorité du secrétaire général, mais du comité central, notre organe directeur. La Constitution du COE stipule clairement les conditions d’une suspension à l’article I.6 : « Le Comité central peut suspendre la qualité de membre d’une Église : (i) à la demande de l’Église?; (ii) parce que la base ou les critères théologiques de l’appartenance n’ont pas été respectés par cette Église ou (iii) parce que l’Église a constamment négligé ses responsabilités en tant que membre ».
Et une telle décision n’est prise par le comité central du COE qu’après un sérieux discernement, des auditions, des visites et un dialogue avec les Églises concernées et des débats.
Avez-vous des exemples de suspension/exclusion d’Églises membres du COE??
Le COE a été confronté à des situations de tensions sembables dans le passé. Le plus connu est le cas de l’Église réformée hollandaise en Afrique du Sud, qui soutenait et défendait théologiquement l’apartheid. En fin de compte, c’est cette Église qui s’est «?exclue?» du COE, car elle estimait ne plus y avoir sa place. Ce n’est pas le COE qui l’a suspendue ou exclue. Toutefois, elle a depuis été réadmise.
Il y a eu d’autres cas de confrontations ouvertes lors des assemblées de Nairobi 1975 et de Vancouver 1983, notamment entre des Églises du bloc de l’Est et d’Occident, avec des menaces d’exclusion ou de départ.
Les cas les plus récents se sont produits lors de l’Assemblée de Canberra en 1991. Au cours de cette assemblée, la guerre du Golfe était l’une des questions les plus controversées. La grande majorité des délégations étaient d’accord : la guerre «?n’est ni sainte ni juste?». Toutefois, d’autres délégations, principalement des Églises américaines et de l’Église d’Angleterre, se sont vivement opposées à la demande d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Des questions théologiques ont été posées au sujet des Églises qui défendent la guerre. La question brûlante «?les Églises qui défendent ouvertement une guerre peuvent-elles être membres de notre communauté? ? » a émergé timidement et certains ont demandé que celles-ci soient exclues. À nouveau, le COE n’a pas opté pour une solution radicale. Le désir de poursuivre le dialogue les uns avec les autres a été une option plus forte. L’approche spirituelle a prévalu. La phrase la plus fréquemment citée à Canberra venait du secrétaire général du Conseil chrétien du Moyen-Orient. À la question de savoir de quel côté se trouve Dieu en temps de guerre, sa réponse a été : «?Dieu est du côté de ceux qui souffrent?».