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Au fil de la Bible

Étaient-il trois ? Étaient-ils rois ?

30 décembre 2024

Épiphanie : les Mages vont enfin pouvoir être placés dans la crèche ! Il a fallu empêcher les enfants de les installer trop tôt auprès de Jésus, Joseph et Marie, alors ils ont vagabondé entre les pots de plantes vertes, comme trois nomades allant d’oasis en oasis.

 

La crèche, le bœuf et l’âne, les trois Rois mages, tous les symboles de la fête sont réunis… est-il utile de préciser que tout cela n’est que pure légende, pure invention ? Certes, beaucoup disent que cette histoire de Noël, d’enfant né dans une étable, n’est que pure légende, que le texte biblique est certes une belle histoire, mais qu’elle n’a rien de vrai… Chacun, face au texte biblique, a le droit de croire, de douter, d’interpréter… Mais les symboles cités plus haut ne sont même pas issus du texte biblique : pas du tout, pas comme ça, ou pas ensemble. Et parfois la légende devient certitude.

 

Un bœuf, un âne

Les légendes sont jolies, elles mettent du romanesque dans la vie, elles créent des traditions familiales, mais elles restent des histoires embellissant le texte, des ajouts qui se sont parfois eux-mêmes chargés de symboles.

Qui n’a pas chanté, durant une fête ou une veillée de Noël : « Entre le bœuf et l’âne gris, dort, dort, dort le petit fils… » Le bœuf et l’âne, fidèles compagnons du petit Jésus, sont totalement inexistants dans les Évangiles. Leur présence est due au lieu : une étable où peuvent se trouver des animaux. Aux circonstances : Marie, enceinte, serait montée sur un âne pour se rendre à Nazareth (Marie n’est jamais présentée sur un âne dans les Évangiles, mais cette image légendaire explique pour certains la présence de l’âne dans la crèche !… Ou comment s’appuyer sur un mythe pour expliquer un autre mythe !). Au lien avec les textes prophétiques : « Le bœuf connaît son propriétaire, l’âne connaît la mangeoire où ses maîtres le nourrissent… » (Ésaïe 1.3)

 

Des dragons et des lions

La référence à ces animaux est par contre explicitée dans un autre Évangile, un texte apocryphe qui date du viie ou du viiie siècle, le Pseudo-Matthieu :

« Or, deux jours après la naissance du Seigneur, Marie quitta la grotte, entra dans une étable et déposa l’enfant dans une crèche, et le bœuf et l’âne, fléchissant les genoux, adorèrent celui-ci. Alors furent accomplies les paroles du prophète Isaïe disant : “Le bœuf a connu son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître” (Ésaïe 1.3), et ces animaux, tout en l’entourant, l’adoraient sans cesse. Alors furent accomplies les paroles du prophète Habaquq disant : “Tu te manifesteras au milieu de deux animaux.” (Habacuc 3.2) » – chapitre 14.

Ce même Évangile nous dit que les Mages seraient arrivés seulement deux ans après la naissance de Jésus, que lors de la fuite en Égypte, Jésus, petit enfant, se serait dressé devant des dragons et que dans le désert, les léopards et les lions l’adoraient…

Voici d’où viennent le bœuf et l’âne de la crèche.

 

Gaspard, Melchior et Balthazar

Et, mis à l’honneur à l’Épiphanie, les trois Rois mages : Gaspard, Melchior et Balthazar. De cette description, un seul terme est à retenir, le seul figurant dans le récit de cette visite dans l’Évangile de Matthieu : mage. Il n’est pas précisé qu’ils étaient trois ni qu’ils étaient rois, encore moins qu’ils s’appelaient ainsi !

Ils sont mages, c’est le seul éclairage apporté par le texte. Le « magos » en grec est un savant, un astrologue. S’ils sont devenus rois, c’est plus tard, sous la plume de Tertullien, théologien carthaginois du iie siècle. Il cherche à faire le lien entre les Évangiles et les textes de l’Ancien Testament et il fait le lien entre les mages et les rois avec le Psaume 72 : « Les rois de Tarsis et des îles apporteront des offrandes, les rois de Saba et de Seba offriront des présents. Tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations lui seront soumises. » Des offrandes, des présents, une soumission, le lien est fait : les mages de l’Évangile deviennent rois.

Sont-ils trois ? Peut-être, mais rien n’est précisé à ce sujet non plus. C’est le nombre de présents offerts qui va déterminer ce chiffre : de l’or, de l’encens, de la myrrhe – trois présents, donc trois mages.

Quant à leurs noms, ils apparaissent pour la première fois au ve ou vie siècle dans un Évangile apocryphe, encore un, l’Évangile arménien de l’enfance. Et leur histoire s’est façonnée petit à petit, devenant également symbolique pour la naissance du Christ : Melchior serait le roi des Perses et aurait apporté l’or ; Balthazar, le plus âgé à la peau noire, roi d’Afrique, aurait apporté la myrrhe ; et enfin Gaspard, le plus jeune aux traits asiatiques, roi en Inde, serait venu avec l’encens.

 

Légendes, transmission et rêves

Le récit de la naissance de Jésus et tout ce qui a été raconté autour de cet événement ressemble un peu à nos récits de famille, ces histoires qui se transmettent de génération en génération, où des détails sont ajoutés, des traits de caractère amplifiés, où on ne sait plus très bien ce qui relève de la vérité factuelle ou de la légende familiale. Malgré tout, il y a en général un message transmis, une leçon à retenir de cette crèche de Noël, il y a une transmission à vivre, il y a une tradition qui fait briller les yeux, il y a de la joie, il y a de l’amour, il y a de la « magie »… les Mages n’y sont peut-être pas pour rien !

Tous ces ajouts, ces amplifications sont des détails de la narration… non pas des mensonges, mais des ornementations : ils nous font du bien, ils nous permettent peut-être de comprendre, peut-être ont-ils aidé à la transmission de l’histoire, à la mise en place de la tradition… mais ils ne peuvent pas être le cœur de notre foi, ils ne peuvent être les fondements de notre foi. À l’image du sable sur lequel est bâtie la maison, ces belles histoires peuvent venir illuminer la maison fondée sur le roc, elles sont les décorations de notre vie, elles n’en sont pas la base. Mais si la base est solide, rien, pas même une crèche, pas même un bœuf ou un âne non évangéliques, ne saurait l’ébranler. Alors, illuminons notre vie, en faisant la part des choses, et laissons la magie et les rêves (ces rêves si présents dans l’Évangile) égayer nos existences… elles en ont bien besoin actuellement !

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Nicole Roulland-Rupp
Rédactrice en chef de Réveil

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