Tribune

De quel séparatisme parlons-nous ?

01 janvier 2021

Le projet de loi « confortant les principes républicains » a été discuté en conseil des ministres, le 9 décembre dernier (date anniversaire de la Loi de 1905, voir aussi p. 8 et 9). Christian Bouzy revient sur les questionnements que soulève ce projet de loi.

Dans la foulée de la loi sur la sécurité globale, va être présenté prochainement en conseil des ministres un projet de loi d’abord appelé « contre le séparatisme » puis rebaptisé « confortant les principes républicains ». Ce projet prévoit un certain nombre de dispositions contre les appels à la haine en ligne, la divulgation d’informations personnelles ou professionnelles sur autrui, et pour obliger les associations à signer une charte d’engagement à respecter les valeurs de la République et la laïcité, etc.

Ce projet suscite quelques interrogations. L’intention affichée de combattre la haine, la violence et le mépris des principes de la République ne cache-t-elle pas une autre motivation moins louable qui consiste à vouloir élargir l’intervention répressive de l’État contre les manifestations de protestation citoyenne ? Est-il vraiment nécessaire de promulguer de nouvelles lois ? Ne disposons-nous pas d’un arsenal législatif suffisant en la matière ?

© unsplash

La défense des valeurs de la République exigerait plutôt la mise en place de moyens opérationnels pour appliquer les lois existantes, notamment celles de 1905 relatives à la laïcité qui donnent un cadre suffisant pour notre « vivre ensemble ».

 

La liberté associative en danger

Prenons l’exemple de ce projet d’article obligeant les associations à signer une charte d’engagement pour le respect et la promotion des valeurs de la République, même si nous n’en connaissons pas encore les contours et les conditions à l’heure où sont rédigées ces lignes. L’intention présentée ainsi est louable. Qui voudrait s’opposer à la défense de valeurs telles que la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité qui fondent notre démocratie ? Cependant, les nouveaux outils législatifs proposés au service de cette généreuse intention peuvent devenir aussi des outils qui limitent la liberté des associations et qui accroissent le contrôle de la puissance publique sur toute initiative citoyenne. Par exemple, une fraternité de la Mission populaire qui, à côté de ses actions d’accompagnement social, propose des temps de débat sur des sujets politiques ou des partages bibliques et spirituels pourrait se voir sanctionnée par la puissance publique. Celle-ci pourrait considérer que le cadre de laïcité n’est pas respecté et que donc les subventions publiques ne sont plus justifiées. […]

 

Le séparatisme des riches

Dernière observation sur ce projet de loi. Le séparatisme n’est pas seulement là où on focalise notre regard. Comment qualifier en effet la situation des grandes fortunes, mais aussi des 10 % les plus riches de notre pays, dont une étude récente a montré qu’ils s’étaient encore enrichis ces derniers mois, tandis que les plus pauvres, au contraire, ont vu leur pouvoir d’achat diminuer un peu plus ? Le creusement des inégalités entre riches et pauvres contribue en effet à séparer les uns des autres. Les premiers ne vivent plus dans le même monde que les derniers. Et cette inégalité qui prend des proportions scandaleuses est sans aucun doute un terreau propice au développement du repli identitaire et de la haine de l’autre.

 

Et si un projet de loi était déposé pour mieux lutter contre ces inégalités économiques et renforcer les solidarités ? Cela contribuerait davantage à la cohésion sociale et au vivre ensemble.

En savoir plus

Tribune publiée sur le blog de la Mission populaire évangélique de France :
blog.regardsprotestants.com/blogpop/

Christian Bouzy
pasteur du Foyer de la Duchère à Lyon

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