Daniel Forget, pasteur et musicien
Le corps pastoral n’est pas un élément homogène. En son sein, talents et dons cohabitent. Rencontre ce mois-ci avec Daniel Forget, pasteur de paroisse, mais pas que !
Daniel, d’où nous viens-tu avec ce très cher accent ?
Je viens d’un pays où il y a « quelques arpents de neige ». Vous aurez déjà compris que j’emprunte cette phrase ironique à Voltaire. Par sa superficie (soit 18 fois celle de la France), le Canada est le deuxième plus grand pays du monde. Je suis né à Montréal, la plus importante ville francophone d’Amérique et l’une des plus grandes villes de la francophonie. Benjamin d’une famille de quinze enfants, j’ai grandi dans un quartier du sud-ouest de cette métropole.
Parler d’accent, c’est révéler ses origines, son histoire. Comme le dit si bien Yves Duteil, la langue de chez nous « c’est une langue belle avec des mots superbes qui porte son histoire à travers ses accents […] ». Les accents des Canadiens français (québécois) sont enracinés au cœur même de la France ! Du début du XVIIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle, les habitants de la Nouvelle-France, ancienne colonie française d’Amérique du Nord, parlaient le même français que les habitants de Paris. Bien entendu, c’était le français populaire de l’époque quelque peu différent du dialecte de la Cour, sans pour autant en être éloigné. Comme le dit si bien Victor Bazin du journal Le Figaro, « Si le français que parlent les Québécois est, à peu de choses près, celui que l’on parlait au XVIIe siècle en France, n’est-il pas plus juste de dire que ce sont les Français de France qui ont développé un accent ? »
Combien de temps as-tu été pasteur au Canada ? Et avais-tu un ministère spécialisé ?
J’ai exercé des ministères variés au cours de mes 43 années de service au sein de l’Église, et ce dans les deux langues officielles du Canada (français et anglais). Mes six premières années de ministère (1976-1981) ont été axées sur l’évangélisation et l’implantation de nouvelles Églises locales à travers diverses unions et associations d’Églises protestantes et évangéliques du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick. L’annonce de l’Évangile du Christ en Parole et en musique a été d’une grande efficacité pour l’évangélisation et une bénédiction pour les nouvelles communautés de foi émergeantes. Après avoir implanté de nouvelles Églises locales dans la grande région de Montréal et dans la ville de Québec, j’ai assumé un pastorat à Trois-Rivières. C’est au cours de cette période que j’ai vécu un tournant significatif dans ma vie et dans mon ministère. Entre 1984 et 1986, j’ai fait l’expérience d’une « épiphanie », une prise de conscience sur le plan cultuel et ecclésial, ainsi qu’une conversion d’ordre théologique dans une perspective réformée. Cela pourrait sembler étrange pour certains lecteurs, mais les écrits de Jean Calvin vont profondément m’influencer. Serait-ce une question d’accents linguistiques ? Mes études de maîtrise avec des professeurs jésuites et dominicains vont m’ouvrir à la dimension de « l’œcuménisme » sans compromettre mon intégrité personnelle et mon identité protestante.
De 1987 à 2009, j’ai desservi quatre paroisses au sein de l’Église presbytérienne au Canada : une paroisse francophone et trois paroisses anglophones. J’ai également servi l’Église à titre de Coordonnateur national des ministères francophones ; de Modérateur (président) du Synode du Québec et de l’est de l’Ontario et de Modérateur (président) du Consistoire du Québec. J’ai été membre de comités nationaux tels que les Ministères canadiens (Canadian Ministries) et le Comité de la doctrine de l’Église (Church Doctrine Committee) ; j’ai aussi été membre du Conseil national de l’Assemblée générale (Synode national) de l’Église presbytérienne au Canada.
À partir de 2017 et après huit ans d’un ministère d’aumônier au sein des Forces armées canadiennes, j’ai quitté le Service de l’aumônerie royale canadienne et pris une année sabbatique afin d’être disponible, le cas échéant, pour toutes nouvelles affectations selon la volonté et la grâce de Dieu. Durant cette même période, je me suis rendu disponible et volontaire pour vivre mon ministère auprès de diverses Églises locales par l’enseignement et la prédication. Tout en cherchant à connaître la volonté de Dieu pour la suite du ministère pastoral, j’ai entrepris six mois de suffragance en France au cours de l’année 2019. Au cours de la même année, j’ai poursuivi mes activités administratives en tant que membre du Conseil national (Synode national) de l’Église presbytérienne au Canada. En juillet 2020, j’ai pris un premier poste pastoral au sein de l’Église protestante unie de France et suis présentement pasteur de deux Églises locales en Pays diois.
D’où t’est venu ce goût de la musique, et à quel moment as-tu commencé à écrire tes propres textes et à composer ?
Dès mon jeune âge, je me suis intéressé à la musique ; et très tôt, j’ai utilisé mes dons musicaux au service de Dieu lors des cultes dominicaux et lors d’efforts d’évangélisation. Avec le temps, je me suis découvert en tant qu’auteur-compositeur-interprète. Pour moi, la musique est un don qui se doit d’être au service de Dieu et un atout pour l’évangélisation et la revitalisation au sein de l’Église. Depuis 1976, j’ai composé plus d’une centaine de chansons et produit trois albums. Entre 1978 et 1981, j’ai fait l’œuvre d’un évangéliste dans le cadre des diverses dénominations dites « évangéliques » et protestantes en voyageant à titre de conférencier invité et chanteur et en participant à des émissions télévisées au Canada et aux États-Unis (certaines émissions étaient diffusées en France).
Quelle place a la musique aujourd’hui dans ta vie, dans ton ministère ?
La place de la musique aujourd’hui dans ma vie et le ministère que Dieu m’a confié demeure plus que jamais essentielle à la vie spirituelle et l’émancipation de l’Église qui se veut être témoin. La spiritualité chrétienne est l’expression d’une relation personnelle entre un individu et Dieu à travers la foi en Jésus-Christ. Elle englobe diverses pratiques et expériences visant à approfondir cette relation. L’une de ces réalités est notre sensibilité à s’exprimer par le chant et la musique. Nous sommes toutes et tous appelés à nous engager à vivre une spiritualité incarnée dans le Christ, dont le but est de glorifier Dieu.
Un message pour nos lecteurs ?
Nous avons tous, ministres et responsables spirituels au sein de l’Église, le devoir de faire vivre la Parole de Dieu de manière vivante, de manière à susciter l’intérêt et la curiosité de celles et ceux qui cherchent un sens à leur vie. L’Église ne doit pas être meublée de temples sans vie, poussiéreux et ennuyeux ; elle doit être un lieu d’épanouissements spirituels, d’émancipations et de guérisons intérieures.