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Une Église de passeurs de frontières

Arve-Mont Blanc

18 septembre 2019

L’Église locale d’Arve-Mont Blanc se situe dans une zone qui attire touristes et travailleurs étrangers désireux de profiter de la beauté époustouflante du cadre et des sommets enneigés. Cela se traduit fortement dans la composition de la communauté et dans ses orientations pour s’ouvrir et témoigner.

L’Église protestante unie d’Arve-Mont Blanc a une histoire toute particulière. La Haute-Savoie n’est pas à proprement parler un territoire où le protestantisme s’est implanté historiquement, bien au contraire ! C’est dans ce contexte « très catholique » que le tourisme alpin de la moitié du XIXe siècle va modifier le paysage religieux. Les Anglais viennent régulièrement à Chamonix pour des villégiatures tant hivernales qu’estivales et se retrouvent dans les salons de leurs hôtels pour célébrer le culte. En 1860, les salons du Majestic se révèlent être trop petits pour cette communauté de vacanciers qui décident de faire construire un temple sur place. Celui-ci se trouve alors hors les murs de la ville, jusqu’à ce qu’en 1900 la gare soit construite à son tour, juste en face du temple. Aujourd’hui, cette jolie chapelle d’inspiration anglicane jouit d’une situation privilégiée au cœur de la petite ville alpine.

Un lieu de socialisation

Si les touristes anglais sont donc en partie à l’origine de l’Église protestante dans cette vallée de l’Arve, ils n’ont pas disparu pour autant, aujourd’hui. Nombre d’entre eux sont installés là, travaillant dans la proche Genève ou ayant des professions les emmenant régulièrement aux quatre coins du monde. Trois des membres du Conseil presbytéral sont anglais dont sa présidente, ainsi que trois prédicateurs qui célèbrent régulièrement dans leur langue maternelle lors de cultes bilingues et les catéchètes qui s’occupent du club biblique des plus petits.

 

Cela influence nécessairement la façon dont l’Église se considère elle-même dans son environnement. Ainsi, des activités sont proposées régulièrement dans le cadre de l’Église ou simplement accueillies dans ses locaux à destination d’un public anglophone. Le club Cham’cats propose aux jeunes mamans et à leurs bambins de venir se rencontrer et d’échanger dans la langue de Molière. « En fait, les lieux de socialisation et de rencontre en français manquent énormément à Chamonix. De jeunes couples étrangers, qui ont les moyens de s’y installer, viennent profiter du cadre. Mais, souvent, cela signifie que le mari a une profession qui l’envoie à l’autre bout du monde régulièrement. Les mamans se retrouvent finalement assez seules avec leurs enfants et sans parler la langue locale, ou sans avoir d’occasion d’y progresser », souligne le pasteur Romain Gavache. Les moments de rencontre Cham’cats se concluent donc souvent par des moments de repas ou de pique-nique partagé, occasion d’échanger encore en français. C’est une activité qui a bientôt 20 ans et qui est aujourd’hui presque une institution à Chamonix.

La plupart des activités de l’Église à Chamonix sont également proposées dans les deux langues : cultes, études bibliques, conférences, etc.

Un lieu d’histoire

L’histoire de cette Église ne saurait se limiter cependant au tourisme britannique et à cette communauté qui a longtemps été desservie par un chapelain anglican, accompagnant cette population de vacanciers. À la fin du XIXe siècle, les Alpes deviennent un lieu de convalescence. La haute société protestante s’y fait construire des chalets de façon à résider à proximité, en particulier, des sanatoriums où certains membres de leurs familles séjournent des mois durant. Les familles Allier, Peugeot, Preiss et autres érigent également des chapelles familiales à proximité de leurs chalets et résidences secondaires.

 

Dans les années 1970, l’Église réformée de France Arve-Mont Blanc est créée après l’achat du temple de Chamonix. Petit à petit, la communauté reçoit en donation plusieurs de ces chapelles familiales et aujourd’hui elle compte donc cinq lieux de cultes : Megève, Saint-Gervais, Cluses et Argentière, en plus de Chamonix.

Un lieu de passage

Située sur deux frontières, avec la Suisse et avec l’Italie, cette Église est un lieu de passage et de passeurs. Beaucoup de manifestations ont lieu tout au long de l’année et attirent un public large, souvent étonné de trouver une exposition consacrée à la bande dessinée dans un temple ou d’y assister à un concert de musique électro. La situation centrale du temple au cœur de la ville de Chamonix en fait un lieu de passage naturel, dont le Conseil presbytéral et le pasteur souhaitent tirer profit. « Cet hiver, avec quelques parents nous avons monté une patinoire pour enfants dans le jardin du temple. Cela nous a donné de nombreuses occasions de rencontres et de discussions avec des parents de passage ou des habitants de la vallée qui ne nous connaissaient pas. » C’est dans cet esprit d’ouverture et de témoignage que l’Église s’est également engagée dans une démarche Dire les gros mots de la foi pour qu’ensemble chacun cherche à témoigner de sa foi, de ses engagements, de son espérance… hors d’un langage trop dogmatique qui n’est plus entendu par nos contemporains. C’est aussi dans cet esprit que chaque été des cycles culturels et cultuels sont mis en place autour de questions de société. Le dessinateur de bande dessinée Baudoin est revenu cet été pour exposer son travail autour de l’accueil des réfugiés dans la vallée de la Roya. Témoignages interpellants qui permettent à cette petite Église de dire clairement de fortes convictions.

Gérald Machabert
journal Réveil

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