Lieux de paix (9)

Un havre de grâce et de lumière

01 octobre 2018

Marie-Christine Hazaël-Massieux, de confession catholique, est très attachée au dialogue œcuménique. Cette linguiste, spécialiste des Pères de l'Église, nous invite à la découverte d’un lieu qui lui est cher : l'abbaye bénédictine de Sainte-Lioba, un monastère ouvert au monde et à l'art.

(© Lioba)

 

Quelque part entre Aix et Marseille, au-delà de Simiane, il est une montagne - oh, une toute petite montagne… les géographes parleraient de colline - et on peut être aisément convaincu que la montagne où se déploie le monastère de Sainte-Lioba, ce n’est pas l’Horeb. Pourtant, c’est là que pour moi s’entend le murmure d’une brise légère, la voix de fin silence (cf. 1 R 19.12) que je cherche… Comme pour Moïse, pour Élie et tant d’autres qui ont été appelés à rencontrer Dieu sur la montagne, la route qui mène à St-Germain depuis le bourg de Simiane, bien étroite et de plus en plus chaotique, doit être progressivement quittée pour parvenir au but : là où vibre la prière dans l’unique silence, au long du travail du jour comme à l’office. Là, l’Esprit prie en nous et tout devient sens ; tout reprend vie de ce qui est déchiré, brûlé, dans les quotidiens usants que l’homme contemporain s’est choisis ou ne s’est pas choisis.

Sans doute est-ce parce que l’Esprit souffle, et que l’on entend sa voix, qu’on ne ressort jamais indemne de Sainte-Lioba, jamais sans avoir été réveillé de son sommeil. Le matin, souvent, le soleil levant qui apparaît derrière la montagne nous fait soupirer vers le moment où, devenus à notre tour lumière, nous pourrons le regarder face à face…

Dans le monastère, curieusement, le temps acharné disparaît ; la journée est régulièrement ponctuée par les offices qui déchiquettent le temps en parcelles qui ne font plus mal, en ce lieu où le chant des psaumes devient le rythme régulateur de notre cœur pour apprendre l’éternité.

Alors que, si souvent dans nos vies tourmentées, nous abandonnons le Seigneur, Lui ne nous quitte jamais : c’est bien ce que l’on redécouvre à Sainte-Lioba… Et si pour quelques jours, nous décidions de ne pas Le quitter ? Une halte pour nos vies en quête de sens et dont nous avons même oublié le but. Doucement notre vie en est transformée, car les grâces, que nous ne parvenons pas à voir au quotidien, ne cessent de nous apparaître, ouvrent nos yeux aveuglés, inondent nos corps desséchés en une pluie bienfaisante. Nous voilà éblouis par la lumière, lavés, désaltérés en découvrant l’eau vive pour toujours…

Oui, ce que je désire maintenant, c’est vivre à la lumière de Sainte-Lioba le temps d’une vie terrestre, ce temps fait pour que nous nous accoutumions à Dieu et qu’Il s’accoutume à nous, selon les mots d'Irénée de Lyon. Car la lumière nous accompagne dans le monde où il convient de retourner : même très loin de la haute montagne, la lumière irradie, tandis que quelque part, en Provence, se poursuit la transfiguration de ceux qui passent… Nos oreilles, nos yeux, tout ce corps si beau qui est le nôtre... oui, nous nous réajustons tout entiers à cette bonté de Dieu, à cette voix du Seigneur, à sa lumière, à ce goût de joie qui vient trouver chacun jusqu’en ses profondeurs.

Marie-Christine HAZAËL-MASSIEUX

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