Pause spirituelle

Se rafraîchir à l’oasis de la fraternité

01 juillet 2020

L’été 2020 s’annonce très chaud. Benoît Ingelaere profite de cette prévision estivale pour offrir une réflexion sur le rôle de l’Église face à notre besoin de rafraîchissement spirituel.

Nous allons tous être en quête de rafraîchissement. Cette quête évoque pour moi deux images, à mille lieues l’une de l’autre : l’oasis dans le désert ou la terrasse d’un bistrot.

 

L’oasis dans le désert, c’est d’abord une image, un mirage même quand la chaleur se fait trop forte. Lieu du rafraîchissement en zone aride, dans une oasis nul ne demeure, sauf parfois un gardien, mais ce qui est là de manière constante et ce pour quoi il y a une oasis, c’est la source, le puits, le point d’eau offert. L’oasis est pour cela un lieu rare, précieux, recherché.

Saurons-nous la trouver ? Car, faut-il le dire : des déserts, nous en avons !

 

Nous pouvons en évoquer quelques-uns… Pour le chrétien conscient du changement climatique, acteur du label Église verte, le désert sera ce qui s’annonce dans le réchauffement de la planète et les canicules à répétition que nous aurons à vivre. Pour le paroissien attaché à son clocher et à ses cultes chaque dimanche – comme avant – le désert évoquera le manque de pasteur et les nouvelles organisations ecclésiales. Bien entendu, le désert pour le huguenot, fidèle au Musée du même nom, évoquera cette période glorieuse, voire mythique, où les protestants luttèrent pour le libre exercice du culte. Enfin, de manière souvent plus dramatique, après les mois de confinements traversés, le désert de la solitude a touché beaucoup de nos proches, de nos voisins, et de celles et ceux, nombreux, que nous ne connaissons pas et qui ne sont connus que de très peu.

Oui, les déserts sont nombreux dans nos vies et dans nos imaginaires, et les oasis sont plus rares.

« Boire une bière et prendre du bon temps

est aussi un acte de foi. » (Martin Luther)

(© Michal Malota@unsplash)

 

Une histoire rythmée par les oasis

Pourtant l’image a ses racines dans la Bible et dans l’histoire. Dès l’Exode, ce sont bien des oasis qui rythment la marche du peuple au désert. L’image du puits est un classique biblique du lieu de la rencontre : on évoquera la Samaritaine rencontrée par Jésus ; la quête du rafraîchissement, le besoin de boire se fait alors occasion de rencontre et, à travers elle, l’oasis, le puits devient lieu de communion.

Au-delà du texte biblique, dans l’histoire de l’Église, c’est bien dans des oasis, en Égypte, notamment dans la vallée du Natron, qu’émergeront les premiers monastères comme lieu de refuge des chrétiens.

 

L’image de l’oasis – et le rafraîchissement qu’elle évoque – peut-elle alors être une image de l’Église ? Peut-être, mais il ne s’agit plus alors de tenir une institution, mais de laisser ouvert un lieu de passage où tous peuvent se rafraîchir à la source ou au puits. Le fidèle n’est plus un membre qui s’inscrit dans une durée, mais un passant qui fait étape avant de repartir ailleurs, et qui pourra dans l’avenir trouver à se rafraîchir ailleurs. Lieu de rafraîchissement et de passage, l’oasis a pourtant besoin de gardien pour l’entretenir et demeurer accueillante. L’image pour l’Église pose la question du lien communautaire et/ou de la communion : comment rester en lien à distance, et quand le campement n’est que celui d’un instant ?

 

Le simple geste de boire ensemble

Reste alors la deuxième image : le bistrot, que j’évoque pour conclure. Certes, ce dossier est sur le thème de l’eau. Certes, aussi, le calvinisme a fait du café un lieu de perdition, tant les excès de l’alcool sont à combattre et ses conséquences dramatiques. Mais, quand la chaleur sera là, on pourra se souvenir du mot de Martin Luther, cité par le professeur Gérard Siegwalt lors d’un synode : « boire une bière et prendre du bon temps est aussi un acte de foi. » Ce qui est vrai d’une bonne bière peut l’être d’un verre d’eau, d’un sirop ou de tout rafraîchissement. Car, dès qu’il est partagé – par ce simple geste de boire ensemble – le rafraîchissement crée une oasis de fraternité.

Alors, bonne lecture ! Et que la chaleur du moment ne vous accable pas, que ce ne soit pour personne un obstacle pour se rafraîchir à la source de Dieu, en communion les uns avec les autres.

Benoît Ingelaere
pasteur, prieur de la Communion de Caulmont

Commentaires