Quand le cinéma sort son sifflet
Deux films récents, sortis en DVD, sont consacrés à d’importants faits de société de notre temps. Snowden nous dépayse à Hong Kong pour un sujet mondialisé. La Fille de Brest traite d’une affaire franco-française. Point commun : des lanceurs d’alerte.
Dans La fille de Brest (Emmanuelle Bercot, 2016), Irène Frachon, protestante à croix huguenote, est pneumologue au CHU de Brest. Elle soupçonne puis fait démontrer un lien entre des morts suspectes et la prise du médicament Mediator, commercialisé depuis 30 ans. Il lui faudra beaucoup d’acharnement pour faire reconnaître la responsabilité du grand laboratoire pharmaceutique en cause. Le retentissement médiatique de ce scandale sanitaire, industriel et administratif fut considérable
Snowden (Oliver Stone, 2016) suit le parcours d’un jeune patriote américain engagé dans les services secrets de son pays. Brillant informaticien, il travaille sur ces logiciels qui traquent et décodent les informations circulant sur le Net. Indigné de voir l’Agence de sécurité nationale utiliser sa puissance pour espionner quiconque au mépris du droit, il prend le risque de s’élever contre l’institution, sacrifiant sa carrière et bien plus : quatre ans plus tard, Snowden est toujours réfugié à Moscou.
Ce thème des lanceurs d’alerte n’est pas neuf au cinéma : sans remonter aux Hommes du Président (Alan J. Pakula, 1976 sur le Watergate), bien d’autres films ont mis en lumière ces citoyens que l’indignation et le sens des responsabilités sociales a fait se dresser contre un danger public. Citons Révélations (Michael Mann, 1999) sur Jeffrey Wigand et les méfaits du tabac ; Erin Brokovitch (Steven Soderbergh, 2000), petite femme contre grand scandale de pollution d’eau potable ; We Steal Secrets (Alex Gibney 2013) sur WikiLeaks et Julian Assange ; Seule contre tous (Larysa Kondraki, 2010) sur Kathryn Bolkovac et la prostitution au sein des forces des Nations unies en Bosnie... Du côté des anges (Matthieu Vernoud, 2007) documente d’autres affaires de cette nature.
Du cinéma à son meilleur et plus utile : bon matériau dramaturgique, angoisse et héroïsme, bons vulnérables et méchants inexpugnables, suspense... Mais il faut exercer sa vigilance. Les bonnes intentions et la sincérité ne sont pas gages de lucidité. On peut se désoler par exemple que Le Cauchemar de Darwin ait su convaincre, sans aucun motif réel, de nombreux consommateurs de boycotter la perche du Nil. Comme la langue d’Ésope, le cinéma peut être la meilleure ou la pire des choses. Le devoir du protestant n’est-il pas de faire sa part du boulot en exerçant son jugement ?