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Au nom des Évangiles

Louise White

08 janvier 2019

La présidente du conseil presbytéral des Hautes Vallées cévenoles et prochaine modératrice du synode régional en Cévennes–Languedoc-Roussillon est un sujet de sa très gracieuse majesté. Elle a décidé, il y a plus de vingt ans, de poser ses valises dans un mas à Saint-Martin-de-Lansuscle. Dialogue à cœur ouvert.

Les chemins que Dieu dessine pour nous ne sont pas toujours les plus droits. Il en est ainsi du parcours de Louise White. C’est une histoire pleine d’émotions et de combats, de rencontres et de distances, un long « errement », comme elle le décrit. Tout commence avec une demande bien anodine pour certains. Sa cousine, dont elle est particulièrement proche, lui demande d’être la marraine de sa fille aînée. Pour prendre sa décision, elle ressort du fond d’un placard sa Bible et le Livre de la prière commune anglican. Son envie était vraiment très forte de s’engager pour sa cousine et pour cette enfant. En relisant le livre de prières anglican, elle a réalisé que les engagements qu’elle devait prendre étaient très précis, la liste lui semblait trop lourde. Elle décide de rencontrer le pasteur de Sainte-Croix-Vallée-Française. Louise lui fait part de son histoire, de ses doutes, de ses questions… Il lui répond que si son engagement est sincère, Dieu ne verra que ça. Mais surtout le pasteur lui conseille de lire les Évangiles et d’aller au culte.

portrait au citronnier (© NB)

 

Une lumière au fond du cœur

 

Pour lire les Évangiles, Louise s’installe sur une bancelle qui entoure sa maison et face à ce paysage à la fois sauvage, mais où l’on remarque partout l’intervention de la main de l’homme, elle se plonge dans la lecture. Il faut reconnaître que la nature peut vous jouer des tours. Il est impossible de rester indifférent à la beauté saisissante de vallées profondes et de ces hautes montagnes. Louise me dit « comment ne veux-tu pas croire en Dieu face à tant de beauté ? » Deviendrait-elle prophétesse comme les premiers camisards ?

La découverte qu’elle fait dans la Bible la bouleverse. Sa vie – ses choix de vie, ses convictions, ses valeurs – elle la retrouve toute dans celle de Jésus. Finalement, même très éloignée de l’Église, un long processus touche à sa fin. Dieu, sans qu’elle le sache vraiment, était au centre de sa vie.

Elle décide d’aller au culte pour vivre et échanger sa foi avec d’autres. Mais c’est une lutte contre elle-même qui s’engage. Elle a peur du regard des autres. Elle décide de changer de vallée et d’aller au culte à Florac.

Le Tour, le paradis de Louise en Cévennes (© NB)

 

Entre vie privée et vie de foi

La voilà installée au fond du temple, près de la porte, prête à fuir… Mais lorsque le prédicateur demande s’il y a des musiciens, malgré toutes ses réticences et un combat intérieur, elle répond « oui ». Ce prédicateur l’a invité à l’accompagner pour faire l’animation musicale. De là il ne restait qu’un seul pas à franchir pour participer à la liturgie.

Mais on le sait tous, si on s’engage dans les Églises, c’est à nos risques et périls… Ainsi, le représentant au conseil presbytéral (CP) des Hautes Vallées cévenoles de Saint-Martin-de-Lansuscle voulait passer la main. Elle se retrouve à une assemblée générale, ne comprend pas très bien ce qui se passe, mais elle finit élue au CP.

Lors de la première réunion, elle veut bien accepter le poste de secrétaire, mais tout le monde la désigne pour être présidente. Elle rentre chez elle dubitative. Ce poste elle ne le veut pas. Elle avait peur. Peur de ne rien apporter au CP, peur d’être trop dans l’émotion, peur de présider en distribuant la parole tout en voulant aussi dire ce qu’elle a sur le cœur. Après quinze jours de réflexion, elle a vu cela comme un apprentissage, une étape dans sa vie, mais surtout comme un appel.

Quelques formations plus tard, elle assume totalement son nouveau rôle au sein de l’Église. Une autre étape est encore nécessaire. Aucun de ses amis proches ne sait son engagement et sa foi. Voilà une autre peur. Son entourage et ses fréquentations sont plutôt athées, voire très anticléricaux. Il lui faut assumer ses choix et ne plus avoir peur d’être vue au temple. C’est aujourd’hui chose faite, non sans peine.

L’eau vive qui jaillit de la montagne (© NB)

 

Du choc à la lumière

Dans nos vies, nous avons tous des moments sombres, des épreuves qui nous transforment. La mort accidentelle de la sœur de Louise à 22 ans en est une. À cette époque, Louise ne croyait pas ou plutôt ne croyait plus. Au moment de son adolescence, elle a ressenti comme un immense vide, un néant incommensurable. Elle est entrée en opposition avec l’Église et la religion.

Petite fille, elle suivait sa grand-mère très pratiquante et ses parents toujours présents aux fêtes carillonnées. Elle a fait ses études dans une école anglicane où tous les matins les enfants se rassemblaient pour une prière et le chant d’un cantique. Elle a été scout, allait souvent seule au culte, a fait sa confirmation. Mais, à partir de ce moment-là, tout a basculé vers ce néant.

Lors du service funèbre pour sa sœur, elle a été à la fois surprise et déroutée par les paroles de réconfort qui ont été prononcées. Puis, avec le décès de son compagnon, avec qui elle restaurait son joli mas cévenol, elle se met à réfléchir au sens de sa vie. La boucle est bouclée… Elle devient présidente du conseil presbytéral.

 

Mais pourquoi la France

Il y a plus de vingt ans, Louise participait à une scène ouverte où elle s’occupait de l’éclairage. C’est-à-dire un camion avec une scène intégrée qui parcourait les festivals officiels, mais aussi ceux plus confidentiels. Dès qu’il y avait une lutte quelque part, la scène ambulante était là. Mais en Angleterre, sous le gouvernement Thatcher, il y a eu tout un lot de lois et de mesures coercitives contre les rassemblements sauvages, les réunions et les festivals. Sous la pression, la scène ambulante décide de partir faire une tournée en Europe sur des lieux de lutte. En route pour les Pyrénées, pour un combat écologique, la scène a dû faire une halte à Vébron. Quelques concerts plus tard, ses camarades décident de partir en Espagne, elle, décide de poser son camion à Florac.

Mais, c’est à Saint-Martin-de-Lansuscle qu’elle a décidé de vivre. Entouré de sa musique et de ses instruments. Elle le dit sans détour : « la musique est vitale pour moi ». Merci Louise.

 

 

 

En savoir plus

Frise chronologique

1970 Naissance à Chelmsford en Angleterre

1992 Licence de musicologie et théâtre (Université de Londres)

1994 Arrivée en France, près de Florac

1997 Installation à St Martin de-Lansuscle et première carte de séjour

1999 Retour à la fac : formation de Musicien intervenant dans les écoles (Aix-en-Provence)

2006 Année sabbatique, dont un voyage à moto à travers la Pologne, les Pays baltes, la Russie et la Scandinavie

2007 Au lieu de reprendre son poste, Louise part sur scène et prend le statut d’intermittent du spectacle

2012 Entre au Conseil presbytéral des Hautes Vallées Cévenoles

 

 

Repère

Lors du décès de mon compagnon, les dames de la paroisse catholique de sa maman nous ont proposé de choisir des textes pour l’enterrement dans un livret « Obsèques », avec le choix entre trois prières et deux psaumes : pas de rencontre avec le curé, pas de possibilité de prendre d’autres textes. Nous avons choisi la psaume 121, sans que je sache vraiment comment faire dans cette situation si contraignante et glauque, si loin des Cévennes et de tout ce qu’il aurait voulu comme adieu, lui croyant d’expression rastafarienne. Quelle jubilation, quel soulagement le lendemain quand une proche copine est montée en chaire pour lire le psaume et que nous avons entendu « Je lèverai mes yeux vers le mont Lozère, d’où viendra mon aide ? Le secours me vient de Jah qui a fait les cieux et la terre… »

Nicolas Boutié
journal Le Cep

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