La promesse de récompenser les « vertueux » ?
L’assureur Generali lance un contrat santé d’un nouveau genre, appelé « Vitality ». Il sera accessible aux particuliers en Allemagne et aux entreprises en France. Ce contrat n’est pas une simple « complémentaire santé ». Il se présente comme un programme de coaching et d’accompagnement au « bien-être ».
Pour accéder à ce nouveau contrat, il faut d’abord remplir un questionnaire en ligne, pour évaluer l’alimentation, le mode de vie et l’état de santé du salarié. Il permet de déterminer un « âge virtuel » (l’âge Vitality) et vise à proposer des objectifs personnalisés au client. Ensuite, sur la base du volontariat, l’assuré peut s’engager à suivre les recommandations du programme pour améliorer sa forme physique : adapter son régime alimentaire, faire du sport... Ce faisant, il cumule des points qui lui donneront des avantages chez des partenaires tels Club Med, Look voyages, Décathlon, etc. Le but est d’encourager les utilisateurs à entreprendre des activités bénéfiques pour leur santé et de récompenser les assurés ayant des comportements vertueux, avec différentes réductions commerciales.
Un nouveau contrat « santé » du type assurance « auto »
Sous couvert de prévention, ce contrat interroge. Outre le problème de la confidentialité des données, à quoi doit servir exactement le questionnaire initial ? Doit-il seulement permettre de proposer des actions adaptées et personnalisées ? Ou sert-il aussi à calculer le montant de la prime d’assurance ? Ce qui, dans ce cas, signifierait que les bien-portants (ou les sportifs) paieraient moins cher que les malades (les fumeurs ou les obèses). Dès lors, notre « santé » serait assurée comme notre « voiture ». En fonction de nos comportements, nous serons considérés (ou pas) comme des assurés « à risque ». Nous bénéficierons d’une sorte de bonus ou de malus. Faut-il y voir le début d’une nouvelle ère dans l’assurance santé, avec plus de personnalisation des tarifs et des axes de prévention ?
Mais a-t-on besoin d’une « carotte », pour bien agir ?
A-t-on besoin d’encouragements, de promesses de récompenses, pour prendre soin de soi et de son hygiène de vie ?
En apparence, l’Évangile semble donner raison à notre assureur : « Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande… » (Luc 6.35). Notons le paradoxe : d’un côté, agir « sans rien espérer en retour », de l’autre, « une récompense ». Pourquoi Jésus en est-il arrivé là, lui aussi ? Risquons une réponse : ayant constaté que ses disciples n’avaient pas compris grand-chose à la nouvelle mentalité du « règne de Dieu », il a été obligé de parler à ses auditeurs de « récompenses » pour les faire avancer ! Comme tente de le faire cet assureur.
Le contre-pied de l’Évangile
Ils auraient dû mieux entendre ce que le Christ dit partout ailleurs : « Soyez compatissants/généreux, comme votre Père est compatissant/généreux » (Luc 6.36), autrement dit, « agissez gratuitement, comme Lui agit gratuitement » (cf. Mt 5.45). L’humain a tellement de mal à faire les choses sans calcul, par amour, par don de soi – à la manière de Dieu – que Jésus a été obligé d’employer le langage des prophètes : celui de la rétribution.
Il y a quand même une différence de taille : dans l’Évangile, la récompense promise ne l’est pas en raison de ce qu’on fait pour soi (manger bio, faire du fitness), mais de ce qu’on fait pour autrui (être artisan de paix et de justice). Les béatitudes s’adressent à ceux qui choisissent de vivre de la gratuité de l’amour de Dieu avec les autres… Avec ou sans récompense ! Ça s’appelle le bonheur de la grâce. « Heureux ceux qui vivent dans la gratuité, l’Esprit de Dieu règne déjà en eux ! »