Rencontre avec

Fardin Shahabi, accueilli et accueillant

01 avril 2017

Lors du synode régional de la région Provence-Alpes-Corse-Côte d’Azur, une équipe de bénévoles s’était mobilisée pour l’accueil des synodaux. Parmi eux, Fardin et Mas, deux amis ayant fui l’Iran, l’un après l’autre, à cause de leurs convictions religieuses.

Fardin Shahabi est né à Shoushtar en 1970. Il est iranien et chrétien. Il tenait un magasin de vêtements, activité commerciale liée à son ministère de colporteur. « J’achetais les vêtements à Dubaï et en Turquie, et je les importais en Iran pour les vendre. Mais cachés au milieu des vêtements, il y avait des bibles. Je vendais des vêtements dans d’autres villes d’Iran, dont Téhéran, où je donnais aussi des bibles ». Parce qu’il était chrétien, Fardin n’a plus eu le droit de posséder un magasin. Il a fait du commerce dans la rue. Mais cela aussi lui a été interdit. Il n’a pas pu trouver de travail lui permettant de vivre, ni même de survivre, et était envoyé régulièrement en prison. Il précise que les chiites au pouvoir n’empêchent pas les seuls chrétiens de vivre, mais aussi les sunnites, les bahaïs, les juifs… Fardin ne reconnaît plus son pays. 

Fardin accueille les personnes venant au culte
©Inès de Coninck

Départ en exil
En 2012, Fardin décide de s’exiler. Un voyage de quatre jours le conduit en Turquie. Il reste huit mois à Istanbul. Puis il trouve un camion dans lequel il reste caché pendant quatre jours, qui le dépose à Saint-Laurent-du-Var, le 29 mai 2013. Un voyage qu’il a payé très cher. De là, il se rend à Nice à pied, juste parce qu’il en connaît le nom. Il dort sur la plage pendant un mois. Un Hongrois l’aide à trouver à manger, puis un travail : nettoyer le marché du cours Saleya, dans le vieux Nice. Il reste plusieurs mois un peu seul, apprend le français « sur le tas », commence à se renseigner à la Préfecture. « Au bout de quelques mois, je me suis rapproché de l’Église et j’ai parlé avec la pasteure Christina Weinhold. Elle a entendu mon histoire et m’a invité à venir régulièrement aux activités. Le vendredi, il y a une équipe de jardinage, j’y suis allé et ainsi j’ai connu des membres de l’Église. C’est par là que je me suis intégré et que j’ai commencé à travailler pour la communauté. J’ai connu l’Entraide quelques mois après ». Fardin a reçu le baptême dans la communauté et y a suivi une catéchèse pour adulte.

Parfaite intégration
Fardin a fait sa demande d’asile politique auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à Paris. Y étaient jointes une lettre de la pasteure pour attester qu’il était un chrétien convaincu, et une lettre d’un médecin témoignant des traces de la maltraitance subie dans les prisons iraniennes. Onze mois plus tard, il obtenait sa carte de séjour. Il a passé son permis de conduire et, depuis un an et demi, il a le statut d’auto-entrepreneur : nettoyage et jardinage dans les espaces verts. Ses clients font partie du réseau de l’Entraide protestante de l’Église locale de Nice. Il continue son travail bénévole pour l’Église : entretien, jardin, préparation des fêtes, garde du presbytère... Il loue son propre appartement. 

Fardin au milieu de l'équipe d'accueil du synode régional
©MK

L’histoire se répète
Fardin a connu Mas lorsqu’il colportait les bibles. Peu à peu, Mas s’est joint au réseau et a commencé à transporter les habits et les bibles. Après le départ de Fardin, une fois la situation calmée, Mas a poursuivi le colportage. Nous l’appelons Mas, car il a encore toute sa famille en Iran et ne veut pas courir le risque d’être identifié. Nos journaux régionaux protestants étant diffusés sur le Net, il est plus prudent de ne prendre aucun risque.

Mas est chrétien. Lui non plus, malgré son bac et deux années d’études comme ingénieur dans le bâtiment, n’avait pas le droit de travailler. Il a été arrêté plusieurs fois, gardé à vue, relâché, puis arrêté à nouveau... Son frère a fait six mois de prison, toujours pour « trafic » de bibles, et à peine sorti, a été à nouveau arrêté. Leur sœur, avocate, avait monté un dossier pour le défendre. Depuis, elle n’a plus le droit d’exercer. Mas a décidé de quitter le pays et d’aller à Nice, espérant y retrouver Fardin. 

Il a fallu transformer le temple en salle de travail…
©MK

Un visiteur inattendu
Mas s’est rendu d’abord à Istanbul. En possession d’un passeport, il a pu obtenir un visa pour la France. Un visa qu’il a dû payer excessivement cher au fonctionnaire qui le lui a accordé. Le précieux tampon et le voyage en avion lui ont coûté plusieurs milliers d’euros... Il est arrivé en France en février 2016. « J’ai trouvé l’adresse de l’Église et j’y suis allé. J’ai rencontré Fardin qui ne savait pas que j’avais quitté l’Iran, ça a été un moment très émouvant ». Sa demande d’asile auprès de l’OFPRA est en cours. Il avait appris un peu de français en Iran, mais c’est grâce à ses amis de l’Entraide et au cours d’alphabétisation pour les étrangers qu’il progresse. Il loge dans une chambre en tant que demandeur d’asile, dans un appartement avec des Afghans pour qui le fait qu’il soit chrétien ne pose aucun problème.

Tournés vers l’avenir
Aujourd’hui, Fardin se sent mieux qu’avant. « J’étais très nerveux, fatigué, stressé, maintenant je me sens une personne meilleure ». Il aimerait aider les gens en Iran pour la diffusion de l’Évangile, vivre sa vie d’Église dans la liberté et travailler pour son entreprise. Fardin espère qu’un jour l’Iran sera un pays laïque : « Que chaque citoyen puisse décider librement sa religion — peu importe laquelle — pour moi c’est la chose la plus importante. »

Mas est en contact avec sa famille via internet. Ses amis, qui comme lui distribuent des bibles, doivent être extrêmement prudents. S’il se sent bien, il est très inquiet pour sa sœur et son frère en Iran. Il aimerait continuer ses études d’ingénieur, trouver un bon travail. Son souhait le plus cher : « Que tout le monde puisse prier et croire librement, quelle que soit sa religion ».

 

En savoir plus

Repère

En Iran, précise Fardin, existent des Bibles officielles, mais dont le texte a été changé, des références à l’Islam et en particulier au Prophète y ont été ajoutées. Les réunions de prière sont secrètes. Jours, heures et lieux ne sont divulgués que de bouche à oreille : ni téléphone ni internet. Il en va de la survie de tous.

La grande majorité des chrétiens est protestante. C’est pourquoi Fardin, puis Mas, se sont tournés vers la paroisse protestante unie de Nice. En Iran, se faire baptiser c’est se mettre en danger de mort. En 2013, l’année de son arrivée, Fardin a pu enfin se faire baptiser par Christine Weinhold. Mas a été baptisé en octobre 2016 par le pasteur Thibaut Delaruelle.

Doris ZIEGLER
journal Échanges

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