Une bavarde au service de l’écoute

Élisabeth Bailly

01 mai 2017

Élisabeth Bailly est depuis peu présidente de la commission aumônerie de l’Église protestante unie de Lyon. Elle vit cet engagement dans la continuité de sa profession de médecin généraliste : à l’écoute de celles et ceux qu’elle rencontre, autour de leur personne et pas seulement autour de leurs maux.

C’est dans son cabinet que Élisabeth Bailly nous reçoit. Elle se décrit elle-même comme bavarde. Et pourtant, dans son agenda bien rempli, entre deux rendez-vous, elle sait donner du temps à cette rencontre. Installée depuis 38 ans dans ce cabinet, dans la rue même qui l’a vue naître et grandir, elle sait l’importance du temps et de relations qu’il permet de tisser. « C’est un quartier où vivent de nombreuses familles. Au fil des années, j’ai vu le passage de générations et je reçois maintenant souvent des parents qui m’amènent leurs enfants en consultation alors que je les ai eux-mêmes suivis lorsqu’ils étaient enfants. » C’est avec amusement qu’elle constate qu’elle a passé sa vie dans cette rue, « un comble à l’heure de la mondialisation. » Mais, comme médecin conventionné groupe I sans dépassement d’honoraire, elle constate que c’est plutôt le monde entier qui vient dans son cabinet, à travers la diversité des profils sociaux des patients et des familles qu’elle reçoit.

Elisabeth Bailly à l'une des tables-rondes des JAF 2016
©Karine Rouvière

Une autre vision de la médecine

Elle n’avait initialement pas choisi la médecine pour exercer ainsi comme médecin généraliste en libéral. Et à l’opposé de cette vocation où l’accompagnement personnel est aussi important que la capacité technique, elle avait choisi une voie où les discussions avec les patients sont plutôt réduites. Elle voulait devenir anatomopathologiste. Mais, à 28 ans, jeune mariée à un médecin qui vient d’ouvrir son cabinet, ses projets sont bouleversés alors qu’elle est confrontée à l’irruption de la maladie et de la mort dans sa vie personnelle. Son mari atteint d’une tumeur au cerveau décède après quelques mois seulement. À l’issue de sa formation, elle reprend donc le cabinet, « avec une autre vision de la médecine, de la maladie et de la mort. » Née dans une famille protestante luthérienne originaire de l’Est de la France, elle trouve dans sa paroisse un lieu d’écoute pour traverser cette épreuve. C’est dans cette Église aussi qu’elle s’est engagée tout au long de sa vie, en tant que membre du Conseil presbytéral à deux reprises, entre autres. Aujourd’hui, elle se réjouit de la création de l’Église protestante unie de France en 2013 qui a permis le pont entre la tradition luthérienne familiale et l’Église réformée dans laquelle elle s’est engagée.

C’est dans la perspective de l’accueil des Journées d’aumônerie francophones (JAF) qui se sont tenues à Lyon en octobre dernier qu’Élisabeth Bailly a été appelée à rejoindre la commission d’aumônerie hospitalière de Lyon. Alors qu’il ne lui reste, alors, que quelques années à exercer, que ses enfants ont grandi et qu’elle s’est retirée de son engagement auprès des parents d’élèves, qu’elle n’a plus non plus d’engagement syndical, elle dit « oui » à cette nouvelle aventure. La mise en place des JAF a été le lieu de plus d’une satisfaction. Non seulement d’un point de vue des idées pour arriver à préciser le thème, les interventions, les tables rondes, etc. Mais surtout d’un point de vue humain : lieu de la grande diversité du protestantisme au sein de la Fédération protestante de France, elles ont suscité de nombreuses discussions et échanges, mais aussi de soutien réciproque. 

Une écoute exigeante, mais nécessaire

Écoute, échanges et soutien sont au cœur de la conception de ce que doit être l’aumônerie hospitalière pour Élisabeth Bailly. « C’est la possibilité d’une passerelle au sens strictement humain. L’univers hospitalier est un univers difficile qui a besoin d’être décodé pour beaucoup d’entre nous, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan de l’engagement. À l’hôpital comme à la maison de retraite, le lien se fait aussi avec la famille et avec l’extérieur, la société civile. » Ce rôle de lien, l’aumônerie hospitalière ne peut le remplir qu’en étant elle-même nourrie et irriguée. Mais Élisabeth Bailly note cependant combien le lien avec les Églises locales est fragile et se dessèche parfois rapidement : « l’aumônerie a besoin d’un lien plus vivant avec l’Église. La population des visiteurs-visiteuses fond rapidement. Il est vrai que c’est un engagement fort et exigeant, nécessitant une formation ainsi qu’un engagement au moins un jour par semaine — toujours le même jour, sans compter les temps de relecture de la pratique. Mais l’aumônerie ne peut être un lieu de témoignage que si elle l’est comme partie prenante à part entière de l’Église. »

L’autre se découvre aussi dans la lecture

Attentive à l’autre, Élisabeth découvre aussi l’autre à travers la lecture : « les personnages de papier que je découvre sont parfois plus réels que les personnes que je croise dans la rue. » Cette passion pour la lecture n’est pour autant, pour Élisabeth, pas une passion solitaire contrairement aux apparences. Elle a mis en place une bibliothèque participative dans la salle d’attente de son cabinet. Elle y met les livres qu’elle a lus, ses patients font de même leur tour. Des échanges se nouent autour de ces livres et permettent aux uns et aux autres de se découvrir autrement, ça instaure de nouvelles relations.

 

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Repère

L’aumônerie hospitalière à Lyon

L’aumônerie hospitalière protestante à Lyon compte actuellement deux postes pastoraux et demi : un pour les Hospices civils de Lyon dans leur ensemble, un pour l’Infirmerie protestante et le centre Léon Bérard (centre de lutte contre le cancer), et un demi pour les maisons de retraite protestantes. Ce dernier ne sera plus compté au nombre des postes pastoraux de la région Centre-Alpes-Rhône à partir de l’été 2017 et devrait être occupé prochainement par un ou une laïque.

La commission d’aumônerie hospitalière compte des représentants de chacune des paroisses de l’EPUdF à Lyon, mais s’est aujourd’hui largement ouverte à d’autres dénominations, membres de la Fédération protestante de France.

Gérald MACHABERT
journal Réveil

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