Mas Soubeyran

Assemblée du Désert : Commémorer la Saint-Barthélemy ?

01 octobre 2022

Les deux allocutions principales de l’après-midi, sur le thème de la Saint-Barthélemy, ont été prononcées par les professeurs Olivier Millet (Sorbonne-Université) et Olivier Abel (Institut protestant de théologie - Montpellier).

Le massacre de la Saint-Barthélemy fait partie de la mémoire collective des Français, consensuellement réprobatrice. Symbole d’un sommet de violences sanglantes contre des civils, au temps des guerres de religion entre catholiques et protestants, la Saint-Barthélemy désigne un événement qui bouleversa la minorité protestante le 24 août 1572. Faut-il pour autant commémorer la Saint-Barthélemy après quatre-cent-cinquante ans ?

Olivier Millet a insisté sur le mystère qui entoure encore cette journée tragique et celles qui suivirent. Pendant longtemps, même chez les partisans de la tolérance religieuse, on se tait. D’abord, il y a eu l’interdiction d’en parler. Et puis la honte, le remords. « La St-Barthélemy a ébranlé l’idée de la justice de la royauté ».

Le professeur Millet a déployé la présence de ce massacre dans l’imaginaire collectif et chez les écrivains, historiens, notamment protestants. Une « carrière » très variable selon les époques.

L’événement devient peu à peu un symbole, un mythe. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, affirme l’orateur, qu’il constitue « une référence commune, partagée ». Au XIXe siècle, la St-Barthélemy apparaît clairement comme un effet de la tyrannie, ce qui conforte les protestants.

O.Millet conclut sur les éléments communs à bien des massacres : la préparation, l’improvisation, la déshumanisation des victimes… L’humain et l’inhumain se mêlent, lors de la St-Barthélemy comme dans les massacres modernes.

Olivier Abel a introduit sa réflexion avec le thème de la mémoire. Notre société est frappée d’une maladie de la mémoire, entre exaltation du patrimoine et sauvegarde numérique acharnée. En même temps, c’est une société qui jette et ne répare rien, oublie, emportée dans l’amnésie !

Allocution trop riche, elle aussi, pour être restituée ici, mais sa conclusion actualisante n’est pas passée inaperçue. Claude Askolovitch (France Inter) en a repris le thème, exposé dans l’entretien diffusé le matin même par France Culture. O. Abel donnait l’alerte sur le danger, dans un pays laïc, à créer un « corps étranger » au sein de la nation (allusion à la communauté musulmane) et sur les risques de futures St-Barthélemy. Le journal Marianne s’est emparé de ce propos pour voler au secours de la laïcité, de façon plutôt virulente…

Séverine Daudé
Journal Échanges

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