Témoignage : Au service de son proche
Les personnes dépendantes et leur accompagnement devient une préoccupation de notre société. L’État et ses services tentent de mettre en place des actions pour soutenir le proche aidant familial qui consacre sa vie au service de son proche.
Nous avons tous en tête, ou presque, ce film: La Famille Bélier. L’histoire d’une famille de quatre membres dont les parents et le plus jeune fils sont sourds et muets. La jeune fille adolescente assume pour eux tous les rendez-vous administratifs, médicaux et leurs relations sociales. Voilà un moyen d’entrer dans le monde des aidants par le cinéma. Souvent nous avons en tête ce fils ou cette fille qui s’occupe de son parent diminué par l’âge, de cette femme qui s’occupe de son conjoint devenu fortement dépendant. Parfois nous avons tendance à oublier les parents d’enfants handicapés et surtout les enfants qui s’occupent de leur parent en perte d’autonomie. Sur 11 millions d’aidants, 500 000 seraient des enfants mineurs!
Nous allons découvrir des témoignages forts d’aidants qui ont décidé de se vouer à leur proche pour le soutenir et lui rendre la vie, si ce n’est plus facile, du moins plus douce. Des actions sont actuellement en cours pour les aider à reprendre leur souffle.
Pour l’amour de sa mère
Pour Véronique et Thérèse, «les choses se sont faites naturellement, au fil des jours, au fil des mois, au fil des années sans s’en rendre vraiment compte», témoigne Véronique, la fille aidante. «Dans ma famille, c’est traditionnel, chaque génération s’occupe de la précédente.» Deux maisons mitoyennes permettent à la mère et la fille de garder une certaine indépendance. D’ailleurs Véronique reconnaît que cela aurait été impossible pour elles deux de vivre sous le même toit. Un rythme de vie différent, pas les mêmes goûts; Thérèse, la mère, a gardé une certaine fierté. Sa fille est là pour surveiller, faire le ménage et la cuisine, gérer le quotidien. Des soignants s’occupent des soins plus spécifiques.
C’est une présence constante pour vérifier la bouteille de gaz, l’électricité, si sa mère n’a pas fait une chute. Elle peut la laisser une demi-journée pour aller faire les courses mais pas plus.
Véronique a pu bénéficier de l’aide au répit. Un relayeur est venu la remplacer pendant cinq jours et elle a pu ainsi prendre du temps pour elle, changer d’air, ce qui est un vrai bonheur pour cette femme qui a toujours beaucoup voyagé. «Je suis ravi du service et surtout de la personne charmante qui s’est occupée de ma mère. J’espère que l’Association protestante de service (APS) pourra développer cette action», confie Véronique.
Mais au-delà de toutes ces considérations pratiques, le témoignage de Véronique est une déclaration d’amour à sa mère. Véronique tient énormément à ce lien mère/fille: «Le plus beau cadeau que je puisse faire à ma mère, c’est qu’elle puisse vieillir et mourir chez elle. Je lui cuisine ce qu’elle aime et lui sert le dimanche son petit plaisir: un verre de Martini. Peut-être que j’ai moins de liberté mais ma liberté, elle est dans la tête.»
Trop jeune pour aider
C’est l’histoire d’une jeune fille de 13 ans qui, en plus de sa scolarité et de sa vie d’adolescente, s’occupe de sa mère en fauteuil roulant. Elle du mal à trouver un rythme, à faire ses devoirs, qui souvent ne sont pas faits faute de temps, et surtout voilà une jeune fille qui mûrit plus vite que les enfants de son âge. En les voyant toutes les deux remplies d’amour et de tendresse, on comprend vite que les liens d’une mère et d’une fille sont plus forts que toutes les difficultés à traverser. Notre jeune adolescente n’est bien sûr pas seule, il y a autour d’elle des auxiliaires de vie pour s’occuper de sa mère, mais c’est tout de même elle qui gère les courses, les repas du soir et qui accompagne sa mère aux toilettes. «Pour moi, le plus difficile c’est que je suis un peu isolée, j’ai très peu d’amis et j’aurai besoin de prendre du repos», avoue notre jeune fille.
Des parents avec un nouvel idéal
Un couple de jeunes parents et un enfant de 7 ans qui ne marche pas et qui ne parle pas. Ici le travail du deuil a été particulièrement fort. Le deuil de l’idéal de ce jeune couple, «celui de notre famille et celui de parents. Tout s’est effondré du jour au lendemain et nous oscillons entre joie et tristesse. Nous restons des parents comme les autres mais avec un énorme lot d’imprévisibilité», témoigne le jeune père.
Le besoin de répit
Un point commun entre tous ces témoignages, le besoin de souffler de prendre du temps pour soi. De nombreuses associations en France sont porteuses de ce projet de relayage mis en place par l’État. L’APS (pour le département du Gard) nous explique en quoi cela consiste.
Le service Relayage du proche aidant s’adresse aux proches aidants de personnes âgées en situation de perte d’autonomie ou de personnes en situation de handicap qui nécessitent une surveillance permanente et qui vivent à domicile grâce à l’accompagnement du proche aidant.
Le principe ? Un seul et même professionnel – le relayeur – intervient au domicile sur une période de 36 heures au minimum jusqu’à six jours au maximum et ce 24 heures sur 24, permettant au proche aidant de s’absenter et de bénéficier d’une période de répit pour se reposer et prévenir l’épuisement.
Une préparation est nécessaire pour connaître les besoins et les attentes des personnes aidées, et pour permettre de créer une relation de confiance entre la personne aidée, le proche aidant et le relayeur. Le proche aidant pourra ainsi passer le relais en toute sérénité et s’absenter sans modifier les habitudes de la personne aidée. Durant la prestation, le relayeur accompagne la personne aidée dans son cadre familier tout en maintenant ses habitudes de vie. Il effectue les tâches que l’aidant réalise quotidiennement à l’exception des actes de soins infirmiers.
L’inclusivité
À travers ces témoignages mais aussi le rôle des associations, dont l’APS, il ne faudrait pas oublier la place de la personne dépendante dans notre société, que ce soit à cause de l’âge ou de son handicap. Nous n’y pensons jamais, seulement lorsque nous y sommes confrontés. Bon ou mauvais rôle, les réseaux sociaux ont permis une mise en lumière de certaines situations. Des parents avec un enfant autiste qui montrent son quotidien et les gestes mis en place pour qu’il puisse vivre le mieux possible au milieu de tous. C’est aussi un père célibataire en fauteuil roulant qui vit avec sa fille et qui filme leur vie et son travail. Il répond aussi aux questions que tout le monde se pose sans oser les poser. C’est encore le compte de cette mère qui raconte le quotidien de son fils Gabriel, qui a un petit plus: il est trisomique.
Ces comptes d’influenceurs d’un nouveau genre nous montrent souvent un monde idéal mais aussi parfois une réalité. Les difficultés sont réelles mais les joies sont encore plus fortes. Quoi qu’il en soit un seul mot traverse ces témoignages ou ces réseaux: «amour».
Nous laisserons celui de la fin à notre première témoin, Véronique: «Merci la vie! »