Lieux de paix -14-

L’autre Côte d’Azur

08 avril 2019

Chroniqueur occasionnel pour l’Église de Grasse-Vence, Yves Ughes dit avoir eu un parcours heureux de professeur porté par la littérature. Ce marcheur nous parle d’un haut pays…

Sous le ciel d’azur, la Méditerranée n’est que beautés. Mais elle ne peut soigner les contractures dont souffre la Côte, elle ne peut rien contre les courbatures du béton triomphant. Je préfère les villes humaines du Moyen Pays. Partant de Vence, on s’élève rapidement vers un col qui culmine à 963 mètres. De là, on gagne le plateau de Saint-Barnabé. L’autre Côte d’Azur.

 

On y réapprend le silence, puis l’harmonie. L’espace et la splendeur. L’humilité. Et une façon d’être au monde, par la marche et par l’allant, dans la confiance du sentier franchi. Les théâtres y sont circulaires et de pierres blanches. Ils viennent de loin, ils viennent du fond. Il y a des millénaires, ils étaient au fond, au fond des mers. Les érosions et les fossiles en témoignent. Âpres, dans leur rude désir de vivre, les arbres se tordent pour mieux agencer leurs épines. Il convient, ici, de se protéger. Et les racines luttent, avec force et énergie, plantées dans la moindre parcelle de terre. Comme pour mieux s’arracher des pierres. La bousculade des ères a creusé des gorges ; en s’approchant des bords du plateau, le regard découvre des plongées calcaires, des promontoires extraits du chaos originel.

La crête du Cheiron, pas très loin du littoral (© Commons wikimedia)

 

L’homme pourtant a su lire ce paysage, s’y inscrire et conquérir des espaces de vie et de labours. En témoignent les restanques, en restent ces conquêtes latentes de blé et de pain quotidien. Et l’harmonie se recrée quand on croise les troupeaux, moutons et agneaux ; dans les sauts impromptus du ciel, ils mêlent leurs bêlements en un chant coloré. Ils disent ainsi le chant du monde et celui de la vie. Tout le plateau exprime le travail patient des hommes. Le labeur venu des fonds des siècles. Le labeur bien achevé. La fatigue heureuse des pas accomplis.

 

Ainsi s’installe et se déploie la sobriété radieuse des lieux maralpins, lieux de pause et de repos acquis, une main effleurant la mer qui défie les siècles par son éternité, l’autre se frottant aux massifs du Mercantour, aux figures sur le rocher gravé. « Que sont les siècles pour la mer ? » Que disent de nous ces gravures rupestres sur la roche imprimées ? Que sommes-nous en cet heureux tumulte des lieux ? Prenons place, comme pour y percevoir la synthèse des temps.

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Yves Ughes a publié trois recueils aux éditions de l'Amourier. Son dernier livre s'intitule Une terre de bonne espérance (5 sens Éditions).

Yves Ughes
Professeur à la retraite

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